L’interview de Benoit Duverneuil  est à lire absolument si vous avez un projet d’implantation aux USA

Benoit est un acteur engagé de la vie économique et associative en Floride

L’échec dans les projet entrepreneuriaux n’est pas une fatalité cependant réussir nécessite une préparation minutieuse et surtout de rencontrer des acteurs qui travaillent dans le même sens que vous.

L’art de la réussite consiste à savoir s’entourer des meilleurs. JFK

– Pourriez-vous me décrire votre activité ?
Mon métier est dédié à la stratégie digitale des grands groupes américains avec une forte expertise sur l’intelligence numérique et plus particulièrement le big data, l’analyse prédictive, l’automatisation marketing, et l’intelligence artificielle.
Ainsi, j’ai pu travailler avec des entreprises telles que Ford, Nissan, Norwegian Cruise Line, AT&T, Comcast, Verizon, Boeing…
Passionné par l’entrepreneuriat et les technologies, j’ai depuis plus de 15 ans, créé et accompagné de nombreuses startups, notamment dans la localisation de leur offre aux Etats-Unis et en Asie.
Par ailleurs, je suis très impliqué dans la vie associative et politique locale. Je suis notamment président du Centre de la Francophonie de Floride et des Caraïbes qui a pour but de créer des passerelles entre les francophones de la région, et d’être un catalyseur culturel, éducatif, social, et économique. A ce titre, j’accompagne des investisseurs et porteurs de projets, autant dans leurs premiers pas aux Etats-Unis, que dans la recherche de vecteurs de développement ou parfois malheureusement dans l’arrêt de leurs activités.

On dénombre plus de 2 millions de locuteurs francophones aux Etats-Unis, soit environ 2% de la population totale. Les francophones sont principalement présents en Nouvelle Angleterre, en Louisiane et dans le Sud de la Floride. En Floride, nous nous adressons à une communauté de près de 20 000 Français, environ 70 000 Canadiens, plus de 500 000 Haïtiens et de nombreux groupes de plusieurs centaines ou milliers de locuteurs francophones. Dans l’espace Caraïbes, ce sont près de 10 millions de personnes qui parlent le Français. On sous-estime, souvent à tord le poids économique de la Francophonie. Ici en Floride, c’est une réelle opportunité de développement.

– Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous installer en Floride ? 

J’ai découvert les Etats-Unis au début de ma carrière, lorsque j’accompagnais des entreprises Internet régionales dans leur développement à l’International. Finalement, ce sont pour des raisons familiales que je me suis installé en Floride en 2006. Bien-sur, dans mon secteur d’activité, il existe de nombreuses opportunités dans la Sillicon Valley, ou New York et dans la plupart des principaux hubs technologiques du pays. Toutefois, la qualité de vie, la faible concurrence, la proximité avec l’Europe (6 heures de décalage horaire contre 9 sur la cote Ouest), et l’Amérique du Sud… sont autant d’atouts qui m’ont permis de m’installer depuis maintenant plus de 10 ans dans cette région du monde.

– Quels sont les avantages à être installé ici ?
Evidemment, la Floride et Miami sont d’abord connus pour être des destinations touristiques, mais il s’agit surtout de territoires propices au développement économique. Jugez-plutôt:

La Floride est un carrefour géographique, commercial, logistique et financier entre l’Amérique du Nord, l’Amérique Latine, et les Caraïbes. C’est également un hub diplomatique qui héberge les consulats de plus de 80 nations et autant de chambres de commerce binationales. L’Etat dispose de l’une des infrastructures de transports les plus complètes au monde avec plusieurs aéroports internationaux, 14 ports en eau profonde par lesquels transitent des centaines de millions de tonnes de marchandises, et des réseaux autoroutiers et ferroviaires qui desservent les principales villes. La Floride est aussi le deuxième réseau américain d’échanges commerciaux avec l’International.

Le Sunshine State est le deuxième état derrière la Californie en matière d’exportation avec plus de 58 000 entreprises qui distribuent des produits dans le monde entier.
Le marché intérieur est également en forte croissance et la population devrait atteindre 26 millions de résidents d’ici 2030.

Les coûts du travail, le foncier et la taxation du capital sont moindres en comparaison avec la Californie ou à New York. Les avantages fiscaux et exemptions propres à la Floride sont nombreux et il n’y a pas d’impôt sur les personnes physiques, uniquement l’impôt fédéral.

Avec un taux de chômage de seulement 4,5% et malgré 9,7 million de professionnels, il peut être difficile de trouver une main-d’oeuvre hautement qualifiée, et notamment dans le secteur des technologies mais les choses sont en train de changer car la Floride devient un hub technologique et attire les talents de cette industrie. Il y a désormais près de 270 000 professionnels des technologies sur le marché local, ce qui place la Floride au 5ème rang des états américains pour la high tech.
D’après les chiffres de l’U.S. Census Bureau, environ 5 millions de professionnels parlent au moins une autre langue en plus de l’Anglais. La main-d’oeuvre est globalement plus diverse qu’ailleurs aux Etats-Unis et capable de donner un avantage compétitif aux entreprises dans un environnement de plus en plus globalisé.
La Floride compte une douzaine d’universités publiques et de très nombreuses universités privées qui lui permettent de figurer parmi les états les plus performants en recherche et développement, transfert et commercialisation des technologies.

Enfin, la Floride est l’un des premiers états américains en termes d’attractivité pour les investissements étrangers. Le programme de VISA EB-5 destiné aux investisseurs et qui permet d’obtenir une résidence permanente aux Etats-Unis a encore accrue cette capacité d’attraction.

– Pourquoi avoir choisi Miami ? 

Miami est une ville connectée au monde et offre tout ce dont un entrepreneur dans les nouvelles technologies peut rêver.
La Floride est l’un des 5 principaux hubs Telecom au monde, ce qui nous assure des services haut-débit et très haut-débit de qualité et à un coût raisonnable. Nous bénéficions aussi de quelques-uns des réseaux sans-fils les plus rapides et les plus performants du pays.

Miami est devenue la deuxième ville du pays en termes de création de startups. Des entrepreneurs du monde entier ainsi que des investisseurs attirent des talents et injectent des millions de dollars dans la région.
Google, Facebook, Twitter, Uber et Lyft, AirBNB et les autres leaders du Web sont aussi présents et ont ouverts des bureaux de représentation pour le marché local mais aussi pour développer leur marché dans les Caraïbes et en Amérique du Sud. Les coûts d’installation sont parmi les plus abordables et la taxation est relativement clémente avec 5,5% sur les entreprises.

L’innovation technologique est particulièrement florissante dans le secteur de la santé. Avec 8 hôpitaux, 3 universités qui hébergent des laboratoires de recherche et des grandes entreprises du secteurs, les startups spécialisées sont maintenant légion dans cette région qui est maintenant surnommée Silicon Beach. Malgré la politique de climato-sceptique de Donald Trump, les Floridiens doivent faire face à une menace bien réelle, celle de la montée des eaux et des inondations fréquentes. De nombreuses startups se positionnent donc sur l’industrie des clean tech et de la protection environnementale.

Les incubateurs, pépinieres et accélérateurs se sont rapidement démultipliés et proposent une offre diversifiée et compétitive avec plus de 20 lieux sur l’agglomération de Miami, ce qui contribue encore un peu plus à attirer les jeunes pousses et les talents du monde entier en quête d’un environnement créatif.
Avec du capital-risque disponible sur place, Miami dispose désormais d’un écosystème complet favorable aux startups. Plus besoin d’aller à Palo Alto ou New York pour faire des levées de fond et faire grossir sa startup.

Enfin, avec une température moyenne de 27° C  et un ensoleillement toute l’année, une nature luxuriante et une grande variété de services et divertissements, la qualité de vie y est unique. Aux Etats-Unis, les journées de travail sont très longues et on prend généralement peu de congés (maximum deux semaines par an) alors l’équilibre travail-vie personnelle est important. Le coût de la vie peut beaucoup varier en fonction du lieu de vie, même la taxe sur les produits de consommation varie d’un compte à un autre. En dehors de Miami, le coût de la vie est assez raisonnable.

– Quels conseils donneriez-vous à des Français souhaitant s’y installer ?

Un bon plan d’affaires pour l’immigration américaine n’est pas forcement un plan d’affaire qui garantira la réussite de votre projet. Satisfaire des critères de politique économique et d’attractivité des capitaux et des talents est une chose, réussir son implantation, adapter ses produits au marché local, avoir anticiper la croissance et avoir une chaîne d’approvisionnement solide et flexible… en est une autre.

Evidemment, lorsque l’on choisit les USA pour destination, la question du visa devient rapidement centrale. Le visa investisseur qui permet de rester 5 ans sur le territoire nécessite des capitaux importants, soit 500 000 dollars minimum et les fonds apportes par d’éventuels investisseurs américains ne sont pas pris en compte par les services d’immigration. Il est toujours possible de changer de Visa une fois aux USA mais c’est un procédé coûteux en frais d’avocats. De plus, le renouvellement des Visas n’est pas automatique, il faut démontrer le succès de l’entreprise et sa capacité à créer des emplois.

Globalement, même si on peut techniquement immigrer avec peu de capitaux, il vaut mieux avoir de solides capacités financières. Le coût de la vie, l’immobilier, la scolarisation des enfants, les salaires des personnels qualifiés, les coûts astronomiques de la santé, le financement de sa retraite… Tout coûte très cher aux Etats-Unis et les économies peuvent disparaître très vite, et surtout vous travaillez sans filet. Il faut avoir des réserves suffisamment importantes afin de pouvoir rebondir en cas d’échec du projet.

Les startups et entreprises qui veulent se développer aux Etats-Unis ont pour obligation de recruter des exécutifs locaux et ce n’est pas simple car beaucoup seront rebutés par le choc culturel. Le marché du travail est très compétitif et il est très difficile de garder les cadres sur le moyen et long termes. Les entreprises peuvent se séparer très facilement de leurs salariés mais ces derniers peuvent en faire autant. C’est souvent une donnée que les entrepreneurs Français n’ont pas pris en compte.

Le principal danger pour les entrepreneurs qui ont déjà réussi en France et/ou à l’étranger et de penser qu’en simplement dupliquant un modèle existant, il peuvent escompter les mêmes résultats. Ce n’est pas parce que la culture américaine s’exporte plutôt bien en France que l’on comprend les spécificités du marché et de la culture d’entreprise locale. Il faut savoir se re-inventer constamment et oublier ses certitudes. Ce n’est pas parce qu’un produit ou un service fonctionne en France qu’il va fonctionner ici. D’un état à un autre, les résultats peuvent varier énormément.

Il faut aussi savoir s’entourer et ne pas hésiter à comparer. Les entrepreneurs et investisseurs placent leur destin entre les mains des avocats d’immigration, business brokers, avocats d’affaires et experts comptables. Certains préfèrent les francophones, d’autres les anglo-saxons. Certains sont très professionnels, d’autres ont des taux d’échec très élevés.
Il convient d’être notamment très vigilants sur la signature d’un bail commercial ou sur la reprise d’une entreprise. Les professionnels doivent vous aider à négocier vos contrats et à révéler l’existence de possibles créances cachées

La propriété intellectuelle est également souvent sous-estimées, les Etats-Unis reste un pays très procédurier et il est facile de se retrouver en justice pour des histoires de marques ou de brevets.

La capacité d’intégration de l’entrepreneur sera aussi testée. Bien qu’il soit tentant de rester entre francophones il est primordiale de s’immerger complètement dans la culture américaine, d’en comprendre les codes pour mieux les maîtriser.

Enfin, tout projet d’immigration est un projet de vie. Aux Etats-Unis, le travail passe avant la famille et le reste, les heures de travail sont longues et le burn-out n’est jamais loin. Il faut donc s’assurer que son conjoint(e) partage pleinement les objectifs de vie et le quotidien qui sera le(a) sien(ne). Même si les enfants ont généralement une plus grande capacité d’adaptation que les adultes, il faut s’assurer qu’ils auront accès à une éducation de qualité et qu’ils s’épanouiront dans la société américaine.

Merci Benoit Duverneuil